Sacha Gordon & The Weird Orchestra : la mélancolie à la française, version baroque

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Sacha Gordon & The Weird Orchestra sont exactement ce qu’ils annoncent être : un drôle d’orchestre, au sens propre. Fondé par deux meilleurs potes, Sacha et Jules, le groupe met littéralement Paris en musique. Leur son épouse parfaitement les églises gothique et l'architecture ultra-détaillée de la capitale. Grâce à l’usage d’instruments classiques et à des voix légèrement réverbérées, presque fantomatiques, leur musique dégage une élégance sombre, un parfum d’ancien - comme si les Red House Painters étaient nés rive gauche.

Je les ai rencontrés un après-midi étonnamment ensoleillé au Bois de Vincennes. On a embarqué sur une barque, au milieu du lac, histoire de discuter tranquillement, sans bruit de fond. Voilà ce que j’ai appris:

Interview photo illustrating a deep conversation about the plans and creative vision of Sacha Gordon & The Weird Orchestra.

Sacha and Jules by Bella Berry

Sacha Gordon, grande gueule et grande classe, est le visage du groupe — diva autoproclamée, tout droit sortie d’un rêve bowien. Jules, lui, c’est le cerveau derrière la dimension “weird orchestra”. Le groupe s’est étoffé au fil des ans : à l’origine, ils n’étaient que deux, jouant par-dessus une bande préenregistrée. Aujourd’hui, la formation est complète : Jules à l’accordéon et aux claviers, Alice au chant aux côtés de Sacha, et Quitterie au violo

Les deux ont joint leur force l’ESRA, une école de cinéma parisienne : Jules y étudiait la réalisation, Sacha l’ingénierie du son. En travaillant sur un court métrage, un ami commun les a réunis pour composer la bande originale. Ce projet est rapidement devenu leur premier EP, Goodbye, Baby Blue, qui posait déjà leur talent pour les mélodies finement composées.

Leur son trouve racine dans le bagage classique de Jules, mais c’est la collision entre ses influences et celles de Sacha qui donne naissance à leur univers. Sacha, lui, écoute surtout du garage rock.

" J’adore le garage et tout ce qui tourne autour. C’est ce que j’écoute tous les jours ", confie-t-il.

Quand on lui demande pourquoi il ne fait pas ce genre de musique, il répond :

" Un jour, mon prof de son m’a dit : “Fais la musique que t’aimes pas. Tu seras plus inspiré et moins frustré.” Et c’est pas idiot. Quand tu t’attaques à un style que tu comprends pas, tu cherches de nouvelles idées, tu apprends à créer quelque chose de plus original. "

Même si le résultat ne sonne pas garage pour un sou, le genre se glisse dans la manière qu’a Sacha de chanter :

" Je pense apporter cette dimension garage au Weird orchestra. Ma technique de chant n’est pas “correcte”. Mes chanteurs préférés sont ceux qui ne savent pas chanter. C’est ça ma contribution musicale à The Weird Orchestra : une forme de sincérité brute qui fait qu’on sonne… vrai.  "

La personnalité de Sacha porte clairement le groupe, esthétiquement comme thématiquement. Avec ses costumes taillés au cordeau, ses boucles pleines de gel et ses lunettes dorées, il incarne un romantisme flamboyant et un goût prononcé pour la mise en scène. Sachant est un vrai romantique, ses histoires amoureuses sont une grande source d’inspirations pour ses textes. C’est cette même sensibilité à l’amour qui l’a poussé à prendre en main sa première guitare, “j’ai commencé à jouer de la guitare car je suis tombé amoureux d’une fille qui jouait de la guitare.” admets-il. 

C’est un romantique dans tous les sens du terme:  Il l’est dans sa vie amoureuse, qui inspire beaucoup ses textes — mais aussi dans sa manière d’appréhender le monde : toujours en quête de beauté, même dans la mélancolie.

“Notre musique est très cinématographique, très théâtrale. J’aime être dramatique dans mes émotions. Si je suis triste, je veux que tout le monde le sache. Et quand je suis heureux, j’ai envie que tout le monde le soit aussi. "

The Weird Orchestra a guidé Sacha et Jules jusque-là, musicalement comme humainement. Monter ce groupe, c’était leur première vraie expérience de création commune, et quand deux fortes têtes se retrouvent à tout concentrer dans un seul projet, les étincelles ne tardent pas à venir.

Jules raconte :

" Travailler avec Sacha, aujourd’hui, c’est beaucoup moins frustrant. À l’époque, je ne faisais que ça, alors j’avais envie de tout mettre dans le groupe, mais ça ne collait pas toujours à son énergie. Maintenant que j’ai un projet solo, je suis plus détendu, et quand on se retrouve au studio, on peut juste bosser sur une… "

" Une amitié ! " l’interrompt Sacha, hilare.

Jules reprend : " …sur une structure qui mélange nos deux façons de faire. "

Sacha aussi a évolué dans sa manière de collaborer :

" Maintenant, je m’en fous complètement des accords que joue Jules. Sur les deux premiers EP, j’étais tout le temps derrière lui à lui demander : “C’était quoi cette note ?” Aujourd’hui, quand il est au clavier ou à l’accordéon, je fume ma clope et je me laisse porter par les notes. "

Sacha a d’ailleurs son propre projet en dehors du groupe.

" J’ai rencontré une fille et j’ai voulu la faire chanter. Ça s’est super bien passé, alors on a fait un EP ensemble (en francais)", raconte-t-il. Ce disque, Michèle D’Alva, est sorti depuis, avec Sacha et sa compagne Louise au chant.

The weird orchestra a appris à Sacha bien plus que la technique :

" La musique ne m'a pas appris la musique. Elle m’a appris les relations humaines. J’ai grandi. Je crois qu’en deux ans, je ne me suis pas tellement amélioré musicalement, à part peut-être sur la précision de ma guitare. Mais j’ai progressé ailleurs : savoir communiquer, échanger des idées, comprendre les autres. "

Bien que Sacha et Jules écrivent toutes leurs chansons à deux, le groupe s’est aussi fait connaître pour son expérimentation autour des cordes — violon, violoncelle, tout y passe.

" Très tôt, on a voulu intégrer des gens capables de faire ce qu’on ne pouvait pas faire nous-mêmes ", explique Jules. " C’est ce qui rend notre deuxième EP plus mature : on a cherché un son plus complexe, sans trahir la vision principale de Sacha. "

Aujourd’hui, le duo continue d’explorer de nouveaux territoires :

" On est jeunes, on a le temps de faire quinze projets et quinze albums différents ", sourit Sacha. " Sur celui qu’on prépare, le son tire plus vers les années 90 : plus de batterie, plus de rock. "

Jules ajoute : " Et cette fois, il chante en français ! C’est nouveau pour nous. "

Sacha revealed. " En français, je peux être moins sombre. Pas forcément dans les textes, mais dans les thèmes. Je ne chante plus des histoires de mort ou de filles mariées qui meurent. Maintenant, je chante sur les gens que je croise dans la rue. "

Sacha Gordon & The Weird Orchestra sont un groupe d’une créativité rare, qui aime explorer des sons neufs avec des instruments anciens. En perpétuelle évolution, Sacha et Jules continuent de faire grandir leur approche de la musique — et d’eux-mêmes.

Leur univers singulier s’est déjà taillé une place à part dans la scène parisienne, inspirant toute une génération de musiciens en quête d’authenticité.

Promotional image for the underground symphonic-folk band Sacha Gordon & The Weird Orchestra shooting a video on a lake.

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